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Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/235

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— Je le vois bien, » répondit Camille de même.

Moi, j’écoutais la conversation, et j’en profitai, comme on va voir. Les enfants s’étaient assis sur l’herbe, je les avais suivis. En approchant d’eux, je vis une petite grenouille verte, de l’espèce qu’on appelle gresset ; elle était près d’Auguste, dont la poche entr’ouverte rendait très facile ce que je projetais. J’approchai sans bruit ; je saisis la grenouille par une patte, et je la mis dans la poche du petit vantard. Je m’éloignai ensuite, pour qu’Auguste ne pût deviner que c’était moi qui lui avais fait ce beau présent.

Je n’entendais pas bien ce qu’ils disaient, mais je voyais bien qu’Auguste continuait à se vanter de n’avoir peur de rien, et de ne pas même craindre les lions. Les enfants se récriaient là-dessus, lorsqu’il eut besoin de se moucher. Il entra sa main dans sa poche, la retira en poussant un cri de terreur, se leva précipitamment et cria :

« Ôtez-la, ôtez-la ! Je vous en supplie, ôtez-la, j’ai peur ! Au secours, au secours.

— Qu’avez-vous donc, Auguste ? dit Camille moitié riant et moitié effrayée.

Auguste.

Une bête, une bête ! Ôtez-la, je vous en supplie.

Pierre.

De quelle bête parles-tu ? Où est cette bête ?

Auguste.

Dans ma poche ! Je l’ai sentie, je l’ai touchée ! Ôtez-la, ôtez-la ; j’ai peur, je n’ose pas.