Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/240

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une chasse très amusante pour tous, excepté pour Auguste, qui, rouge de honte et de colère, courait à droite, à gauche, et rencontrait partout un ennemi. Je m’étais mis de la partie ; je galopais devant et derrière lui, redoublant sa frayeur par mes braiments et par mes tentatives de le saisir par le fond de son pantalon ; une fois je l’attrapai, mais il tira si fort, que le morceau me resta dans les dents, ce qui redoubla les rires des enfants. Je réussis enfin à le saisir solidement ; il poussa un cri qui me fit croire que je tenais sous ma dent autre chose que l’étoffe du pantalon. Il s’arrêta tout court ; Pierre et Henri accoururent les premiers ; il voulut encore se débattre contre leurs efforts, mais je tirai légèrement, ce qui lui fit pousser un second cri et le rendit doux comme un agneau : il ne bougea pas plus qu’une statue pendant que Pierre et Henri lui enfilèrent son habit. Je lâchai aussitôt qu’on n’eut plus besoin de mon aide, et je m’éloignai la joie dans le cœur, d’avoir si bien réussi à le rendre ridicule. Il ne sut jamais comment cette grenouille s’était trouvée dans sa poche, et depuis ce fortuné jour il n’osa plus parler de son courage… devant les enfants.