Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/246

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Auguste se mordit les lèvres, devint rouge, mais ne répondit pas. Il finit par se hisser sur le poney, et il se mit à tirer sur la bride ; le poney recula ; Auguste se cramponna à la selle.

« Ne tirez pas, monsieur, ne tirez pas ; un cheval ne se mène pas comme un âne, » dit le cocher en riant.

Auguste lâcha la bride. Je partis en avant avec Henri. Pierre suivit sur l’âne de la ferme. J’eus la malice de prendre le galop ; le poney cherchait à me devancer ; je n’en courais que plus vite ; Pierre et Henri riaient. Auguste criait et se tenait à la crinière ; nous courions tous, et j’étais décidé à n’arrêter que lorsque Auguste serait par terre. Le poney, excité par les rires et les cris, ne tarda pas à me devancer ; je le suivis de près, lui mordillant la queue lorsqu’il semblait vouloir se ralentir. Nous galopâmes ainsi pendant un grand quart d’heure, Auguste manquant tomber à chaque pas, et se retenant toujours au cou du cheval. Pour hâter sa chute, je donnai un coup de dent plus fort à la queue du poney, qui se mit à lancer des ruades avec une telle force, qu’à la première Auguste se trouva sur son cou, à la seconde il passa par-dessus la tête de sa monture, tomba sur le gazon, et resta étendu sans mouvement. Pierre et Henri, le croyant blessé, sautèrent à terre, et accoururent à lui pour le relever.

« Auguste, Auguste, es-tu blessé ? lui demandèrent-ils avec inquiétude.