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Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/304

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flore ! » et, me voyant continuer mon trot, je l’entendis s’écrier d’un ton piteux :

« Arrêtez-le, arrêtez-le, de grâce ! c’est mon pain, ma vie qu’il m’emporte ; courez, attrapez-le ; je vous promets encore une représentation si vous me le ramenez.

— D’où l’avez-vous donc, cet âne ? dit un des hommes nommé Clouet ; et depuis quand l’avez-vous ?

— Je l’ai… depuis qu’il est à moi, répondit mon faux maître avec un peu d’embarras.

— J’entends bien, reprit Clouet ; mais depuis quand est-il à vous ? »

L’homme ne répondit pas.

« C’est qu’il me semble bien le reconnaître, dit Clouet ; il ressemble à Cadichon, l’âne du château de la Herpinière ; je serais bien trompé si ce n’est pas là Cadichon. »

Je m’étais arrêté ; j’entendis des murmures ; je voyais l’embarras de mon maître, lorsque, au moment où l’on s’y attendait le moins, il s’élança au travers de la foule et courut du côté opposé à celui que j’avais pris, suivi de sa femme et de son garçon.

Quelques-uns voulurent courir après lui, d’autres dirent que c’était bien inutile puisque je m’étais sauvé, et que l’homme n’emportait que l’argent qui était à lui, et que je lui avais fait gagner honnêtement.

« Et quant à Cadichon, ajouta-t-on, il ne sera