Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/74

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« C’est fini, me dis-je, je suis condamné à brûler vif ; quelle mort affreuse ! Oh ! Pauline ! ma chère maîtresse ! vous avez oublié votre pauvre Cadichon. »

À peine avais-je, non pas prononcé, mais pensé ces paroles, que ma porte s’ouvrit avec violence, et j’entendis la voix terrifiée de Pauline qui m’appelait. Heureux d’être sauvé, je m’élançai vers elle et nous allions passer la porte, lorsqu’un craquement épouvantable nous fit reculer. Un bâtiment en face de mon écurie s’était écroulé ; ses débris bouchaient tout passage : ma pauvre maîtresse devait périr pour avoir voulu me délivrer. La fumée, la poussière de l’éboulement et la chaleur nous suffoquaient. Pauline se laissa tomber près de moi. Je pris subitement un parti dangereux, mais qui seul pouvait nous sauver. Je saisis avec mes dents la robe de ma petite maîtresse presque évanouie, et je m’élançai à travers les poutres enflammées qui couvraient la terre. J’eus le bonheur de tout traverser sans que sa robe prît feu ; je m’arrêtai pour voir de quel côté je devais me diriger, tout brûlait autour de nous. Désespéré, découragé, j’allais poser à terre Pauline complètement évanouie, lorsque j’aperçus une cave ouverte ; je m’y précipitai, sachant bien que nous serions en sûreté dans les caves voûtées du château. Je déposai Pauline près d’un baquet plein d’eau afin qu’elle pût s’en mouiller le front et les tempes en revenant à elle, ce qui ne tarda pas à arriver. Quand elle se vit