Page:Ségur - Nouveaux contes de fées.djvu/152

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Rosalie ne sortait jamais du parc, qui était entouré de murs élevés. Jamais elle ne voyait personne que son père ; il n’y avait aucun domestique dans la maison ; tout semblait s’y faire de soi-même ; Rosalie avait toujours ce qu’il lui fallait, soit en vêtements, soit en livres, soit en ouvrages ou en joujoux. Son père l’élevait lui-même, et Rosalie, quoiqu’elle eût près de quinze ans, ne s’ennuyait pas et ne songeait pas qu’elle pouvait vivre autrement et entourée de monde.

Il y avait au fond du parc une maisonnette sans fenêtres et qui n’avait qu’une seule porte, toujours fermée. Le père de Rosalie y entrait tous les jours, et en portait toujours sur lui la clef ; Rosalie croyait que c’était une cabane pour enfermer les outils du jardin ; elle n’avait jamais songé à en parler. Un jour qu’elle cherchait un arrosoir pour ses fleurs, elle dit à son père :

« Mon père, donnez-moi, je vous prie, la clef de la maisonnette du jardin.

— Que veux-tu faire de cette clef, Rosalie ?

— J’ai besoin d’un arrosoir ; je pense que j’en trouverai un dans cette maisonnette.

— Non, Rosalie, il n’y a pas d’arrosoir là-dedans. »

La voix de Prudent était si altérée en prononçant ces mots, que Rosalie le regarda et vit avec surprise qu’il était pâle et que la sueur inondait son front.

« Qu’avez-vous, mon père ? dit Rosalie effrayée.

— Rien, ma fille, rien.