Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/108

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Dans l’enfance de l’homme, comme à tous les âges de la vie, la foi prête aux actes les plus insignifiants une grandeur et un charme surhumains. Elle donne à cette petite et faible créature qu’on appelle un enfant une force de vertu et une beauté morale admirables. Sous ce rapport, l’enfance d’Hélion de Villeneuve présente des caractères tout fait surprenants et qui ne peuvent s’expliquer que par une grâce toute particulière de Dieu. On me pardonnera de les rapporter en détail : outre que son existence fut si courte, que, retrancher les années de son enfance, ce serait retrancher une partie considérable de sa vie tout entière, l’histoire de ses premières années est nécessaire à l’intelligence de celles qui les ont suivies : elle les contient toutes en germe, comme le grain de blé renferme l’épi que le temps et Dieu développeront : son enfance explique toute sa vie, elle explique surtout sa mort.

D’ailleurs, de même que tout, jusqu’au moindre brin d’herbe, a son intérêt et son charme dans l’étude de la nature, tout, jusqu’à l’humble prière d’un petit enfant, a son charme et sa grandeur dans l’ordre de la foi. La puissance et la bonté de Dieu se manifestent plus visiblement dans ces humbles et petites choses où il semble s’abaisser davantage et avoir plus de chemin à faire pour arriver jusqu’à sa créature. Pour moi, le spectacle d’un enfant chrétien m’a toujours profondément attendri, et j’éprouve une émotion non moins intime à entendre prononcer le nom du bon Jésus et de la sainte vierge Marie par les lèvres incertaines d’un petit enfant encore tout plein de l’innocence baptismale, que par la bouche inspirée du plus éloquent prédicateur.

À l’âge de quatre ans, Hélion de Villeneuve, se trouvant en Provence, tomba dans un canal où il faillit se noyer. Cet événement accrut d’une manière surprenante les sentiments de piété qui remplissaient déjà son âme,