Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/118

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son dévouement et l’entraînement de ses généreux instincts.

Quand il eut passé son examen de baccalauréat, il vint à Paris pour faire son droit, à l’automne de 1845. De nobles parents qu’il avait en Autriche, où ils étaient demeurés depuis l’émigration, lui avaient offert une brillante position et un avenir assuré dans l’armée autrichienne mais il refusa absolument cette proposition, quelque séduisante qu’elle fût, déclarant qu’il ne servirait jamais que la France. Dès cette époque, en effet, l’amour de son pays et un sentiment profond de l’honneur français étaient vivants dans son cœur, et se confondaient en lui avec la soif du dévouement et du danger, comme avec l’amour de l’Église. L’Église et la France, tel était son mot d’ordre, comme celui de ses ancêtres, comme celui de notre histoire tout entière, pour qui sait la comprendre. Il vint donc à Paris pour faire son droit, laissant à Dieu le soin de lui choisir une carrière et de donner une direction à sa vie.

Il avait alors dix-neuf ans ; je le connus presque dès son arrivée. C’était le temps où les vieilles voûtes de Notre-Dame retentissaient de ces admirables conférences du Père Lacordaire dont j’ai retracé dans le chapitre précédent le vivant souvenir. Toute la jeunesse de Paris se pressait autour de la chaire du grand prédicateur et s’enivrait de son éloquence comme d’un breuvage divin descendu du ciel. C’est au sortir d’une de ces belles assemblées que je vis Hélion de Villeneuve pour la première fois. Nous nous serrâmes la main et nous nous aimâmes presque aussitôt d’une amitié que sa mort elle-même n’a point brisée et n’a fait que rendre plus étroite. Il était alors dans tout l’épanouissement de sa belle nature. Son extérieur était plein de charme son beau visage respirait la bonté, la gaieté, la plus aimable fran-