Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/119

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chise. Il rayonnait de bonheur, et la pureté de son âme se reflétait tout entière sur sa physionomie à la fois douce, candide et virile.

Gœthe a dit quelque part qu’une des plus grandes jouissances de ce monde est de voir une belle âme s’ouvrir devant soi. Il est certain qu’un des plus grands bonheurs, qu’une des joies les plus vraies de ma vie, ce fut de voir l’âme d’Hélion de Villeneuve s’ouvrir et s’épanouir à mes yeux dans les doux épanchements de l’amitié. Je vis sans peine jusqu’au fond de son cœur, comme on voit au fond d’une source limpide, et je le trouvai parfaitement pur. Il ne cachait rien, parce qu’il n’avait rien à cacher, et c’est même cette extrême limpidité de son âme qui donnait un cachet tout particulier et un charme si sympathique à sa physionomie. Qu’on se figure la plus heureuse nature embellie de tous les dons de la grâce divine, et l’on aura l’âme d’Hélion de Villeneuve cette bienheureuse époque de sa vie, où, sorti de l’enfance et de l’adolescence, il posait le pied dans la virilité.

Il avait conservé, avec la ferveur de ses jeunes années, ses habitudes religieuses. Tous les matins il allait à l’église, et souvent il y retournait prier le soir. Tous les quinze jours il retrempait sa foi dans les sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie. C’était ainsi qu’il entretenait la santé et la pureté de son âme.

Jamais jeune homme chrétien ne rendit la dévotion plus aimable et plus saintement contagieuse : mieux que personne, je puis l’attester. On aimait sa piété comme on aimait sa franchise, sa gaieté, sa simplicité et les mille vertus charmantes qu’il tenait de Dieu et de l’éducation. Il respirait le bonheur et ce contentement intime d’une conscience parfaitement en paix avec Dieu et avec elle-même. On sentait, rien qu’à le voir, qu’il était heureux de vivre, et qu’il méritait de l’être ; car, vivre, pour lui,