Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/126

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ta santé et celle de mon bon père ne l’exigent pas, je reste et je te remercie de me laisser ici. Mais, si tu sentais que mon absence te fît du mal, n’hésite pas à me faire revenir, et sois sûre que le bonheur de vous rendre heureux me dédommagerait de tout.

— Si je suis content d’être à Paris, lui écrivait-il encore, c’est uniquement à cause de l’occasion qui peut se présenter chaque jour d’être bon à quelque chose. Je t’ai toujours dit que je déplorais l’inaction dans laquelle vivent forcément tant de jeunes gens, et moi tout le premier ; de là résultent des goûts futiles, de la difficulté à se bien conduire et la conscience que l’on n’est bon à rien mais enfin il n’y avait pas moyen de faire autrement. Je t’ai toujours dit aussi qu’en cas de guerre je ne pourrais m’empêcher de servir. Eh bien, nous voici dans un moment difficile ; on est comme dans un camp, ne sachant jamais ce qui arrivera le lendemain. S’il y a quelque chose, la garde nationale est assurément la principale force, c’est elle qui fera presque tout. Tu conçois donc que je sois heureux d’en faire partie, surtout comme officier.

Et dans une autre lettre il ajoutait : « Si la guerre se déclare, je trouve qu’E. et B. seront bien heureux. Dans le temps où nous sommes, il est du devoir de tout homme d’honneur de faire ce qu’il peut quand on n’est pas capable de rendre des services en politique, c’est à l’armée qu’on doit être si l’on se bat. »

Grande et belle leçon, sur laquelle je reviendrai plus tard, qu’il appuyait dès lors de son exemple, et qu’il consacra plus tard de son sang sous les murs de Sébastopol.

Ces lettres, où sa belle âme se montre tout entière, prouvent jusqu’à l’évidence que, dès ce moment, il connaissait sa vocation et était décidé à la suivre, le cas