Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/16

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s’étendent des champs d’une riche culture, et de belles prairies où des vaches et des chevaux paissent tranquillement. Çà et là quelques trappistes, en habit de travail, s’occupent aux soins de la campagne.

On est bientôt à l’entrée du monastère. La première porte est surmontée d’une image de la sainte Vierge avec ces mots gravés au-dessous Refugium peccatorum, c’est, ici le refuge des pécheurs. Cette porte s’ouvre pour les hommes à toutes les heures du jour et de la nuit. Les femmes ne sont jamais admises dans l’intérieur du cloître ; mais elles peuvent, si la curiosité les y pousse, en entrevoir les mystères quand la grande porte s’ouvre pour le passage des charrettes et des chevaux de labour.

Le frère portier reçoit le pèlerin à l’entrée du monastère, et son accueil est toujours doux et bienveillant. Le père Hilarion, qui remplit ces fonctions depuis bien des années, est un homme encore vigoureux, grand, d’une physionomie bonne et gaie il sourit presque toujours et répond aux questions quelquefois bien indiscrètes des visiteurs avec une obligeance toute chrétienne. On sent, en le voyant, que la politesse n’est qu’une des mille formes de la charité, et, en entendant ses interlocuteurs, on sent aussi que cette aimable vertu est souvent plus connue dans les couvents qu’au dehors.

Rien n’est plus riant et plus gai d’aspect que l’intérieur du monastère. D’un côté, des jardins, des vergers, des ateliers de charronnage et de menuiserie de l’autre, de vastes étables où ruminent des vaches, où les moutons bêlent, où le fier taureau de la Trappe, connu dans tout le pays environnant, fait entendre par intervalles ses mugissements sauvages. Tout autour, des poules et des oiseaux de basse-cour caquettent, gloussent et cherchent leur vie en se jouant. De côté et d’autre, on aperçoit des frères en robes brunes et relevées à la ceinture avec de gros