Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/164

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sa tombe le secret d’un avenir que Dieu seul connaissait et qui eût été peut-être rempli de larmes et de douleurs, laissant derrière lui des amis sincères pour le pleurer, et un souvenir impérissable dans le cœur de ceux qui l’ont aimé. Il est mort glorieusement sur le champ de bataille tant rêvé ; il a donné son sang pour son pays et pour sa foi, et il a fait plus par sa mort pour son nom, pour la France et pour l’Église, qu’il n’eût fait par la plus longue et la plus belle vie. Enfin il est mort chrétiennement, saintement, purifié par la souffrance, avec un prêtre à ses côtés pour lui rappeler la patrie absente et lui ouvrir les portes du ciel. Non, non, ce n’est pas lui qui est plaindre, et pour quiconque a, je ne dis pas de la foi, mais du cœur, son sort est glorieux et éminemment digne d’envie.

Quant à ceux qu’il a laissés derrière lui, qui le pleurent et qui l’aiment ; quant à sa mère surtout, que sa mort laisse veuve de tout le bonheur qu’elle trouvait en lui, leur douleur est profonde sans doute, inconsolable par les moyens humains, mais elle est pleine de résignation, d’espérance et de consolations divines ! Sa mère ne sait-elle pas qu’elle a atteint son but et que son sacrifice n’a pas été vain, puisqu’il a assuré le salut de son fils ? Ne sait-elle pas, à n’en pouvoir douter sans douter de la bonté divine, qu’il est dans le ciel, qu’elle l’y retrouvera un jour, et qu’elle a rempli son devoir de mère chrétienne en menant l’âme de son fils jusqu’au seuil de l’éternité bienheureuse ? Or, pourvu que l’âme arrive à son immortelle destination, qu’importe aux chrétiens que le corps retourne un peu plus tôt ou un peu plus tard à la terre et à la pourriture qui l’attendent ? Si le but est atteint, qu’importent et la durée et les épreuves mêmes du voyage ?

Ô vous donc qui vous sentiriez tentés de murmurer