aller entendre la messe, tressaillant à chaque bruit, à chaque coup qui retentissait à la porte de l’hôtel, attendant presque ce bâtiment funèbre comme elle eût attendu son fils vivant, désespérant vingt fois par jour de le voir jamais arriver, et se figurant, à chaque nouvelle déception, que la mer avait englouti, avec le navire, la consolation suprême qu’il apportait à sa douleur.
Enfin, le 23 octobre au matin, on vint la prévenir que le bâtiment arrivait : elle partit à l’instant même, et se fit conduire en voiture au port de la Joliette, distant de trois quarts d’heure au moins de l’hôtel où elle était descendue. Arrivée sur le port, elle aperçut le bâtiment qui renfermait les restes mortels de son cher fils mais on lui dit qu’il serait impossible de faire transporter a terre le cercueil avant deux heures de l’après-midi. En attendant ce moment, elle s’assit à terre sur le pont de bois qui joignait le navire au quai, et demeura en silence, pleine d’angoisse, priant et pleurant, objet inattentif de la pitié et du respect universels.
Le bâtiment était chargé de soldats malades et blessés, qui revenaient guérir ou mourir au pays natal ; il y en avait de tous les corps, de tous les uniformes, il y avait aussi, hélas ! parmi eux, des blessures de tous les genres. La vue de ces braves gens mutilés, privés les uns d’un bras, les autres d’une jambe, et le spectacle des malades, dont les joues étaient creuses et livides, dont les genoux tremblaient, et qu’on transportait à l’hôpital, était vraiment navrant, et le sourire de joie qu’ils avaient à peine la force d’envoyer au ciel et à la terre de France tirait les larmes des yeux.
Quand on commença à descendre à terre tous ces martyrs de cette admirable campagne d’Orient, la pauvre mère sortit de sa méditation ; elle s’émut à la vue de leurs douleurs, qui ranimaient la sienne, chercha à son