Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/18

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L’entrée de cette grotte était si obscure que saint Antoine n’aperçut rien d’abord. Il s’avançait doucement, s’arrêtant de temps à autre pour écouter, et retenant son haleine, tant était grand son respect pour le saint vieillard, qu’il savait être tout près de lui ! Paul, qui était en prière dans sa grotte, entendant un peu de bruit, ferma sa porte et se remit à prier.

Antoine se prosterna devant cette porte fermée et y demeura longtemps, suppliant le saint ermite de lui ouvrir et lui disant avec larmes :

– Vous savez qui je suis, d’où je viens et pourquoi. Je sais que je ne suis pas digne de vous voir ; toutefois je ne m’en irai point sans vous avoir vu. Je mourrai plutôt à cette porte ; au moins il faudra que vous ensevelissiez mon corps.

Paul lui répondit :

– On ne prie point en menaçant. Vous dites que vous ne venez que pour mourir, et vous vous étonnez que je ne vous ouvre pas !

Ayant dit ces mots, il lui ouvrit la porte en souriant. Les deux divins vieillards s’embrassèrent, se saluèrent par leurs noms, quoiqu’ils n’eussent jamais entendu parler l’un de l’autre, et rendirent ensemble grâce à Dieu. Après qu’ils se furent donné le baiser de paix, ils s’assirent, et Paul dit à Antoine :

– Voici celui que vous avez cherché avec tant de peine : un corps consumé de vieillesse, couvert de cheveux blancs et négligés, un homme qui ne sera bientôt plus que poussière. Mais, dites-moi, comment va le genre humain ? Bâtit-on encore des maisons dans les anciennes villes ? Comment le monde est-il gouverné ? Y a-t-il encore des adorateurs des démons ?

Tandis qu’ils s’entretenaient ainsi des choses de la terre et du ciel, ils aperçurent un corbeau perché sur un