diocèse, et le laissa entrer dans la ville. Saint François de Sales traversa Genève jusqu’à la porte opposée sans rencontrer d’obstacles, et, comme cette porte était fermée à cause du prêche qui se faisait alors, il se reposa tranquillement pendant une heure dans une maison voisine ; puis, quand la porte eut été rouverte, il sortit de Genève aussi paisiblement qu’il y était entré.
Quand les Genevois apprirent que le saint évêque les avait ainsi bravés, leur fureur fut extrême et se répandit en menaces contre l’homme de Dieu. Ils jurèrent que, s’ils l’avaient pu prendre, ils lui eussent fait payer de la vie son audace. Quand on rapporta ces propos à saint François de Sales, il leva les yeux au ciel et dit en soupirant : « Hélas ! je le voudrais bien, si leur conversion était à ce prix ! Mais puisque ma vie leur est inutile, que gagneraient-ils à ma mort ? »
Il aimait en effet d’une tendresse extrême cette ville infidèle qui le haïssait tant, comme un bon père aime encore un enfant dénaturé qui le trahit et qui l’outrage. Jamais on ne chantait devant lui le cantique Super flumine Babylonis, ce chant divin de la tristesse et de l’exil, qu’il ne pleurât au souvenir de sa chère Genève. Il pleurait sur elle comme Jésus-Christ pleura sur Jérusalem, et il répétait avec larmes ces célestes paroles du Sauveur : « Jérusalem, Jérusalem qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n’as pas voulut ! »
Non pas plus que Jérusalem, Genève n’a voulu de la vérité ! Ses ministres refusèrent constamment les controverses publiques que saint François de Sales leur offrit mille fois : ils avaient peur de lui, comme les ténèbres ont peur de la lumière. Théodore de Bèze seul