ment par la rame du batelier, rendait un son doux et murmurant, comme la chanson vague et monotone d’une berceuse. Tout respirait la paix autour de nous, et nous sentions avec délices cette impression du dehors nous pénétrer de toutes parts et gagner, de l’extérieur, jusqu’au fond de notre âme. Le spectacle de la paix de la nature agit toujours profondément sur le cœur de l’homme, parce qu’elle est l’image de cette paix de l’âme à laquelle il aspire et que ses passions l’empêchent si souvent d’atteindre, et surtout de cette paix inénarrable du ciel, but éternel de son voyage ici-bas, dont la vie de ce monde n’est que le douloureux chemin.
Bientôt un autre chant vint se mêler à celui que nous disaient l’eau du lac et la rame du batelier, un chant lointain et harmonieux dont les notes expirantes arrivaient à peine jusqu’à nous. À mesure que nous avancions, cette charmante harmonie devenait plus distincte c’étaient des jeunes gens qui chantaient sur les bords du lac quelques unes de ces mélodies faciles et gracieuses, si nombreuses et si populaire en Italie. Nous ne tardâmes pas à apercevoir des lumières qui nous annonçaient la proximité de la rive, et dont les feux scintillants n’imitaient que de bien loin la splendeur vive et profonde des étoiles. Le batelier rama plus vigoureusement, et, après quelques minutes d’une course rapide, nous vîmes distinctement des maisons, des hôtels, des figures humaines qui s’agitaient sur la plage. Adieu la solitude du lac, adieu le calme, le silence et la rêverie du soir ! Notre barque avait touché la rive, et nous étions à Lugano.