saire. Nous ne cessons, le père Odorico et moi, de parler de votre bonheur. Le père Odorico est tout rayonnant et désire partager votre sort. Quant à moi, misérable pécheur, je ne sais pas souvent ce que je fais, je ne puis presque pas dormir. Je vous avoue que je serais presque fâché si le roi vous faisait grâce, étant aussi près que vous l’êtes de remporter la palme du martyre et de monter au ciel. Pardonnez-moi, cher confrère, tous les scandales que je vous ai donnés et les peines que j’ai pu vous faire. Je vous ai toujours regardé comme un fidèle ami, un supérieur ; j’espère que vous serez bientôt mon intercesseur dans la séjour de la gloire. Adieu, cher martyr de Jésus-Christ, priez pour moi. »
Telle est la dernière lettre de cette admirable correspondance la mort empêcha M. Gagelin d’y répondre. Le lendemain, 17 octobre 1833, à sept heures du matin, on vint lui annoncer qu’il allait être transféré au Thu-a-Thion, Il venait de réciter son office : il sort aussitôt, et, apercevant une troupe de soldats armes de piques et de sabres, il demande à l’un d’eux : « Me conduisez-vous pour me trancher la tête ? » Le soldat semble hésiter et garde le silence : « Apprends, lui répond M. Gagelin, que je ne crains pas ! »
Alors le cortége funèbre se met en marche. Le missionnaire s’avançait au milieu des soldats, chargé de sa cangue, que des gardes l’aidaient à porter, image frappante du Sauveur portant sa croix sur la route du Calvaire. Un crieur, tenant à la main une planche sur laquelle était écrite la sentence de mort, la proclamait au bruit d’une cymbale à peu près tous les cents pas. Elle était conçue en ces termes : « L’Européen Tai Hoai-Hoa est coupable d’avoir prêché et répandu la religion de Jésus dans plusieurs parties du royaume en conséquence il est condamné à être étranglé. »