Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/32

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Enfin, et pour terminer par ce qu’il y eut de plus grand dans ce grand siècle de Louis XIV, Bossuet visitait fréquemment dans sa solitude l’abbé de Rancé, son intime ami. Le monastère de la Trappe était, après son diocèse, le lieu qu’il affectionnait le plus. Il aimait à se reposer des fatigues et des soucis de l’épiscopat et à retremper son âme dans l’austérité de cette retraite. « Il assistait, dit le cardinal de Beausset, son historien, à tous les exercices de la communauté il était le premier levé pour les matines. Il montra la même assiduité jusqu’à l’âge de soixante-neuf ans, quoiqu’il joignît à ses veilles toute l’austérité de la vie d’un religieux. Ce ne fut qu’à l’un de ses derniers voyages qu’il se permit de faire usage d’un peu de vin. Il trouvait un charme particulier dans les manières dont on y célébrait l’office divin. Le chant des psaumes, qui venait seul troubler le silence de cette vaste solitude, les longues pauses des complies, les sons doux, tendres et perçants du Savle, Regina, lui inspiraient une sorte de mélancolie religieuse.

On montre encore, près du monastère, l’allée où le grand évêque aimait à se promener avec l’abbé de Rancé, et, si les vieux arbres qui la bordent pouvaient se souvenir et parler, que de causeries sublimes échangées sous leurs ombrages, que d’épanchements célestes ils nous rediraient !

J’ai raconté l’aspect intérieur du monastère de la Grande-Trappe et des bâtiment compris dans la clôture, quelques mots achèveront de compléter ma description. Une hôtellerie est adjointe au monastère ; tous les étrangers pauvres ou riches, pèlerins ou mendiants, y sont admis et peuvent y demeurer trois jours ; ils y sont logés, soignés et nourris aux frais des religieux. Plus de trois mille pauvres, dit-on, sont ainsi secourus annuellement par la sainte communauté. La table de cette hôtellerie est bien