Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/33

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meilleure et plus abondante que celle des trappistes ; ce sont des pères qui servent les étrangers et les pauvres. On reconnaît à ce trait, comme à tant d’autres, les disciples de ce bon Maître qui a dit : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir. »

Près de l’hôtellerie, et rentrée même du cloître, est une salle réservée pour les consultations que le père médecin de la Trappe donne gratuitement à tous les malades qui veulent s’adresser à lui. Ce père a une grande réputation de science et d’habileté ; on vient le consulter de bien loin, et les pauvres trouvent toujours chez lui, avec les conseils et les remèdes de la science, l’accueil bienveillant et paternel de la charité.

Enfin, à quelques pas du monastère, on aperçoit encore quelques bâtiments agglomérés : c’est une colonie pénitentiaire de jeunes détenus que le gouvernement a récemment confiés au dévouement inépuisable des trappistes. Les bons pères ont accepté cette charge avec reconnaissance, comme un moyen nouveau de faire du bien ; il se sont improvisés instituteurs avec cette confiance naïve de l’humilité qui n’attend rien de soi, mais qui attend tout de Dieu, et les résultats déjà obtenus prouvent une fois de plus que le cloître est une admirable école, pour former, non seulement des hommss de prière, mais des hommes d’intelligence et d’action.

J’ai déjà dit qu’à l’entrée du monastère la campagne présente l’aspect de la plus riche culture. C’est qu’en effet les trappistes sont d’incomparables agriculteurs sous leurs mains laborieuses et bénies de Dieu, la terre produit au centuple, la stérilité disparaît, et les bruyères arides, les champs pierreux et inféconds se transforment en prairies et en plaines fertiles. À ce point de vue, on peut dire que la Trappe de Mortagne est la plus parfaite des fermes modèles. Leur territoire est bien restreint et