Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/41

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phèmes ; c’est pour arrêter dans la main de Dieu la foudre qu’il s’apprête à lancer contre les blasphémateurs de son nom ! En un mot, s’ils se livrent à des mortifications qui semblent excéder non seulement les préceptes et les exemples de Jésus-Christ, mais toute borne et toute mesure, et s’ils vivent en quelque sorte ensevelis dans la pénitence, c’est qu’il est des chrétiens, et combien, hélas ! qui ne savent même plus ce que c’est que la pénitence.

Que les catholiques laissent donc aux ennemis de Jésus-Christ et de son Église ces déclamations misérables contre les trappistes et tous les ordres religieux, et qu’ils répètent avec moi cette conclusion, qui ressort invinciblement, ce me semble, de tout ce que je viens de raconter : c’est que les trappistes sont non seulement au nombre des plus saints, mais des plus utiles des hommes. Ils cultivent la terre, ils cultivent aussi cette autre terre plus ingrate et plus dure qu’on appelle l’âme humaine ; ils font produire à toutes deux des fruits sans nombre pour eux-mêmes et pour les autres ; ils travaillent et ils prient. Trois fois heureuse et trois fois sainte la vie qui peut, comme la leur, se résumer en ces deux mots bénis le travail et la prière !

Qu’on me pardonne la longueur et la vivacité de ces réflexions, et qu’on me permette encore une citation et un souvenir.

La citation est une lettre écrite, en 1852, par un ancien officier devenu trappiste au monastère d’Aiguebelle, dans la Drôme, et adressée à un de ses amis du monde : c’est la plus admirable et la plus énergique confirmation de tout ce que j’ai dit plus haut sur l’austérité et le bonheur de ces saints religieux, et l’étoquence chrétienne a produit, selon moi, peu de pages comparables à cette simple lettre d’un moine obscur et ignoré. Ô vous qui prenez en pitié les trappistes, lisez et jugez.