Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/46

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les bois, les prairies étaient remplis de voitures, de charrettes, dont les chevaux dételés paissaient à côté, près des arbres auxquels on les avait attachés : on eût dit un campement d’une de ces tribus nomades qui parcouraient, il y a quinze cents ans, les forêts de la Gaule et de la Germanie, emportant avec elles leur mobile patrie.

Dans l’intérieur du monastère, il y avait un peu plus de calme ; la foule n’y était pas admise, et je ne pus entrer que par faveur, en ma qualité de vieil ami de la maison. Au milieu de la pelouse qui s’étend devant l’église et les bâtiments du cloître, un tapis recouvrait le sol ; c’était là que les deux puissances devaient se rencontrer, et que le pasteur de l’humble communauté devait recevoir le chef de la grande nation.

Après une assez longue attente, nous vîmes sortir du cloître le cortège religieux. En tête s’avançaient lentement l’évêque du diocèse, recouvert de ses ornements pontificaux, la mitre sur la tête, la crosse dorée à la main, et le révérend père abbé, vêtu de sa longue robe blanche, le plus beau, le plus majestueux des vêtements, portant également une mitre et une crosse, mais une mitre de laine blanche et une crosse de bois, à cause de son vœu de pauvreté ; des prêtres en surplis et tous les religieux en robes blanches suivaient processionnellement en chantant des psaumes.

L’évêque et le père abbé, arrivés à l’endroit où le tapis avait été préparé, s’arrêtèrent et bientôt l’on vit le roi des Français s’avancer à leur rencontre, suivi de plusieurs princes et princesses et d’un nombreux cortège. Ce moment fut solennel. À voir cette procession en plein air, ce clergé en étoles, ces moines en robes de laine, cet évêque et ces abbés vénérables, leurs mitres en tête et leurs crosses en main, sous un beau ciel, au milieu des