Page:Ségur - Un bon petit diable.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trompes ! Ah ! tu as du carton dans ta culotte ! Et moi qui m’étonnais de te voir si leste et dégagé comme si tu n’avais pas reçu plus de coups que tu n’en pouvais porter ! Ah ! tu n’as rien reçu ! Attends, je vais te payer capital et intérêts. »

Mais Charles avait réussi à ouvrir la porte ; il courait déjà, et, avant de disparaître, il lui lança cette phrase foudroyante :

« Les intérêts de mes cinquante mille francs placés chez vous par mon père ! Merci, ma cousine. Je vais en prévenir le juge de paix. »

Mme Mac’Miche resta pétrifiée ; la baguette qu’elle tenait s’échappa de ses mains tremblantes ; elle s’écria, en joignant les mains d’un geste de désespoir :

« Il le sait !… Il va le dire au juge de paix, qui a déjà entendu parler de ces cinquante mille francs… Mais il n’a aucune preuve… Et ce Charles de malédiction !… comment l’a-t-il su ? qui a pu le lui apprendre ?… Personne ne doit le savoir ; je l’avais fait si secrètement, et mon cousin était déjà si malade, qu’il n’a pu le dire à personne. Il ne voyait que Marianne, et bien rarement encore,… et toujours en ma présence. Et le reçu ! il l’a brûlé, il me l’a dit. Est-ce que Charles se serait emparé de ma clef ? Aurait-il fouillé dans mes papiers ?… Si je savais !… je l’enfermerais dans une cave dont j’aurais seule la clef !… personne que moi ne lui porterait sa nourriture !… et il y mourrait !… Il faut que je voie ; il faut que je m’en assure. »