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un monde inconnu

manifestée pendant des siècles, il existait toute une région souterraine où s’était maintenue loin des rayons du soleil une vie encore primitive.

À des profondeurs variables et pouvant être évaluées à 12 ou 15 de nos lieues terrestres, dans d’immenses excavations, se trouvaient des mers, des continents, des fleuves, une végétation abondante. Là, dans ces cavités plus rapprochées du centre, où régnait encore une température douce et toujours égale, dont les voûtes s’élevaient à de prodigieuses hauteurs, où l’air était plus dense et où, à défaut de la lumière du jour, régnait une clarté de source électrique entretenue par des phénomènes cosmiques, il y avait place pour une humanité tout entière. C’est là que s’étaient retirés avec leurs sciences, leurs industries, leurs institutions et leurs lois, les derniers habitants de notre satellite, bien résolus à défendre leur vie jusqu’au dernier instant.

Pendant que l’humanité terrestre s’éveillait péniblement à la vie intellectuelle et morale, et s’élevait, à travers de longues périodes séculaires, de l’âge de la pierre à l’âge du bronze et à l’âge du fer ; pendant que les premières tribus humaines, dispersées et errant à travers les gigantesques forêts primitives, passaient de l’état de peuples chasseurs à l’état de peuples pasteurs, puis agriculteurs et enfin industriels, les habitants de la Lune continuaient, dans le monde souterrain où se maintenait la vie, leur existence de progrès ininterrompu.

Dans ces régions calmes et tranquilles, où la température était presque sans variations, où ne se faisait pas sentir l’influence des saisons, où l’humanité n’avait pas à se défendre contre les forces aveugles d’une nature marâtre, où la lutte pour l’existence n’avait pas cette âpreté qu’elle présente chez nous, ces êtres organisés pour vivre dans un milieu surchargé d’oxygène et où la vitalité était par suite plus énergique et plus résistante, avaient dépassé de beaucoup le niveau des sciences où nous nous sommes si longtemps attardés.

Afiligés de moins de besoins que nous, ils étaient exempts de la plupart de nos vices et de nos convoitises. Moins préoccupés