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un monde inconnu

Comme nul ne pouvait songer à s’enrichir ni à s’élever par de mauvais moyens au-dessus des autres, et comme il n’y avait pas de propriété individuelle, chacun recevait sa part légitime du fonds commun, et par suite il n’y avait ni transactions, ni salaires, ni monnaies d’aucune sorte ; aussi ne pouvait-il être question de fortune ou de dot. Tandis que, sur la Terre, on se lance éperdüment à la chasse des riches héritières et, sans se préoceuper des qualités de l’esprit et du cœur, on ne vise que des apports opulents ou de basses espérances, heureux et envié lorsqu’on a brillamment réussi dans ces honteux calculs, l’amour seul, confiant et désintéressé, présidait là aux unions, dont il assurait à la fois le bonheur et la dignité.

Lorsqu’une sympathie réciproque avait rapproché deux êtres, lorsque la sincérité de leurs sentiments, qu’ils ne pouvaient songer à dissimuler, avait consacré ces premiers mouvements du cœur, nul ne s’inquiétait de savoir à quel rang de l’échelle sociale se trouvaient placés ceux qui aspiraient à s’unir pour fonder une nouvelle famille. Sur ce terrain, pas de distinction entre les Diémides et les Méolicènes.

Du reste, le fonctionnement même des institutions qui régissaient l’humanité lunaire rendait impossible la formation d’une aristocratie de race : on ne s’inclinait que devant la supériorité intellectuelle et morale acquise par un travail incessant et constatée par de nombreuses et décisives épreuves.

Pour s’en rendre compte, il faut revenir sur l’éducation donnée aux jeunes gens.

Lorsqu’ils étaient entrés dans l’adolescence, tous sans distinction, qu’ils fussent issus des plus élevés des Méolicénes ou des plus humbles des Diémides, prenaient rang dans la classe de ces derniers et devant eux s’ouvrait une carrière de perfectionnement et de progrès.

Tous commencaient par être employés aux travaux purement manuels et qui ne réclamaient que l’usage des forces physiques. Mais ces travaux qui, pour la plus grande partie, étaient exécutés par des machines dont l’électricité était l’inépuisable moteur, leur fournissaient l’occasion d’exercer à la fois leur intelligence et leur