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un monde inconnu

Il n’était pas cependant donné à tous ceux qui formaient la classe des Diémides de marcher d’un pas égal dans la voie de progression qui leur était ouverte. Ceux qui, comme il est naturel dans toute réunion d’hommes, étaient moins bien partagés au point de vue de l’intelligence, ne franchissaient jamais les degrés inférieurs ou ne pouvaient jamais sortir du rang des Diémides ; mais la moralité, l’esprit d’ordre et de soumission étaient les mêmes chez tous. Et ainsi s’accomplissait d’une façon régulière et constante, sans opposition, sans regets et sans amertume, la sélection rationnelle qui assurait à chacun la place qui lui convenait le mieux.

La condition des femmes était telle qu’on peut la concevoir dans un monde exempt de passions, d’ambitions mesquines ou de puériles vanités. Quel que fût l’époux de leur choix, Diémide ou Méolicène, toutes étaient également considérées. Du reste, s’il existait pour les hommes des distinctions de classes, des degrés hiérarchiques, rien de semblable ne se rencontrait pour les femmes. Et la raison en était simple : là point de riches ni de pauvres ; la vie matérielle, ramenée à sa plus simple expression, réduisait à n’être plus qu’un jeu ces soins du ménage qui sont souvent chez nous si fastidieux et si rebutants.

Nul n’était réduit à la condition servile de rendre à son semblable des services humiliants. La dignité de chacun, à quelque classe qu’il appartint, était ainsi respectée, et on n’avait pas à souffrir de ces vices dégradants qu’engendre sur la Terre la domesticité : la jalousie et la haine, le mensonge et la fraude qui se dissimulent sous les formes de la complaisance et de l’obséquiosité.

Pendant que les hommes remplissaient leurs fonctions sociales, — nul en effet n’était là oisif ou désœuvré, — aux femmes était réservé le soin d’orner et d’embellir leurs demeures, d’élever les enfants et aussi de cultiver en elles le sentiment exquis des arts, du dessin et de la peinture, de la musique ou de ces ouvrages délicats et charmants qui rehaussaient l’éclat des vêtements et ajoutaient à leur beauté l’attrait de la parure.

Le goût qui présidait à leurs ajustements était toujours réglé par un sentiment très juste de mesure et de décence ; rien n’y était