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un monde inconnu

fantastiques qu’on entrevoit en rêve, ou dont l’œil croit suivre parfois dans les nuages les contours capricieux et changeants.

Au moment indiqué, une délégation du Conseil Suprême à la tête de laquelle se trouvait Rugel, était venue chercher les trois étrangers dans leur demeure pour les conduire devant le grand et vénérable Aldéovaze.

La route qui les menait au palais et qu’ils parcoururent à pied environnés des sages qui formaient leur escorte, était bordée de la foule des habitants qu’avait attirés une légitime curiosité. Mais dans les rangs de cette multitude aucun cri, aucun tumulte, aucune fièvre hâtive et indiscrète : chacun se tenait à son rang calme et digne, et là, où tous avaient le respect d’eux-mêmes et de leurs voisins, il n’était besoin ni de règlements ni de force publique pour éviter les manifestations intempestives ou turbulentes.

Au passage du cortège, chacun s’inclinait pour saluer les nouveaux venus avec un sourire d’un bienveillant accueil, et c’est à peine si un léger murmure marquait la surprise que causait à ceux qui ne les connaissaient pas encore la vue de ces voyageurs intrépides si étrangement venus d’un monde voisin.

Le temps était calme et doux ; une faible brise faisait mouvoir lentement dans l’espace de molles vapeurs, qui flottaient comme des voiles d’une gaze fine et aérienne. La petite baie au fond de laquelle se dressait la ville capitale, était toute couverte d’embarcations aux formes diverses remplies de curieux venus de tous les points du littoral, avides de jouir du spectacle qui se préparait.

C’était, en effet, sur la terrasse du palais faisant face à la baie que devait avoir lieu cette cérémonie solennelle. Une sorte de construction légére d’une somptueuse magnificence avait été dressée, un peu exhaussée au-dessus du dallage de marbre qui formait la terrasse et disposée en amphithéâtre, pour qu’aucun détail de ce spectacle n’échappât à la foule qui remplissait la place et la baie.

À l’instant même où le chef de l’État venait occuper le trône qui lui avait été réservé et où se groupait autour de lui l’imposante assemblée des membres du Conseil auxquels s’étaient joints,