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un monde inconnu

Pendant ce temps, lord Rodilan, déployant sous les yeux d’un autre groupe des assistants un planisphère terrestre, leur expliquait à grands traits comment la civilisation, née entre deux fleuves dont il leur désignait le cours dans le continent asiatique, s’était peu à peu développée suivant la marche du Soleil et avait passé d’abord dans cette petite contrée presqu’imperceptibe, aux côtes profondément déchiquetées, qu’on appelait la Grèce, pour s’établir ensuite dans la péninsule italique toute voisine et s’avancer enfin vers la rive du grand Océan Atlantique.

Puis posant le doigt sur deux petites îles qui formaient la pointe la plus avancée du continent occidental, il s’écriait :

« Et voilà maintenant le centre de la civilisation moderne ! De ces îles, si petites par la superficie mais si grandes par le génie de leurs habitants, rayonnent sans cesse des milliers de vaisseaux qui vont chercher dans toutes les parties du monde les produits les plus utiles, les marchandises les plus précieuses, pour les distribuer ensuite sur toute la surface de la Terre. Il n’est pas de contrée où on ne parle la langue de l’Angleterre, — c’est le nom de cette nation, la première du monde, — pas un point du globe où on ne reconnaisse sa suprématie. De vastes et riches régions lui sont soumises. »

Et son doigt se promenait avec orgueil sur la péninsule indienne, sur le continent australien, sur l’Afrique méridionale, sur toute la contrée qui s’étend au nord du Saint-Laurent.

Sa taille se redressait ; toute la fierté britannique revivait en lui. On eût dit qu’il se croyait au milieu d’un de ces congrès où l’intraitable Albion défend avec tant de morgue et d’âpreté ses plus injustifiables prétentions.

« Eh ! eh ! fit tout à coup Marcel qui avait entendu les dernières paroles de son compagnon, il me semble, Milord, que vous faites bien bon marché de la France. »

Puis se retournant vers ses auditeurs que la vivacité de ce débat paraissait surprendre, car, dans leurs discussions, ils ne se départaient jamais de leur calme et de leur gravité :

« Loin de moi, dit-il, la pensée de rabaisser l’illustre nation à laquelle appartient notre ami, car vous vous êtes déjà doutés, à la