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la réception

chaleur de son plaidoyer, qu’il parlait pour son pays. Mais il me sera bien permis de revendiquer pour ma patrie, la France, — et il désignait du doigt cette partie de l’Europe dont tous les peuples ont tour à tour prononcé le nom avec envie ou avec amour, — la part de gloire qui lui est due. Si l’Angleterre est grande par le commerce et l’industrie, la France ne l’est pas moins par le cœur et par la pensée. Toujours à l’avant-garde de l’humanité, elle a toujours tenu et élevé bien haut le flambeau du progrès, éclairant la route où la suivaient les autres nations. Il n’est pas une idée grande et généreuse qu’elle n’ait propagée et pour laquelle elle n’ait versé son sang. Son dévouement désintéressé a toujours été au service de la justice et du droit ; elle a combattu pour toutes les causes justes ; ennemie de tous les oppresseurs, amie de tous les opprimés, elle a vu son nom béni par tous ceux qu’elle à affranchis ; ses triomphes ont fait pâlir de jalousie tous les autres peuples, et si elle a été vaincue parfois, elle n’est tombée qu’écrasée sous le nombre ou surprise par la trahison. »

Pendant que Marcel se laissait ainsi entraîner par son patriotisme, Jacques s’était rapproché de lui, et lui serrait la main avec force.

« Bravo ! ami, » faisait-il.

Un peu de sang était monté aux joues un peu pâles d’ordinaire de lord Rodilan, et il se préparait sans doute à répondre avec quelque aigreur, lorsque le prudent Aldéovaze, qui avait écouté attentivement ce débat, s’avança en souriant :

« Je vois, dit-il, que vous appartenez à deux grandes nations de la Terre, et l’audace même de votre entreprise nous prouve que vous devez compter parmi les plus éminents de vos compatriotes. Mais, à la distance où vous vous trouvez de vos communes patries, sied-il bien de réveiller des rivalités que nous ne pouvons juger ici ? L’œuvre à laquelle vous vous êtes consacrés n’est qu’à son début ; vous devez vous garder tout entiers pour la mener à bonne fin.

— La sagesse parle par votre bouche, » répondit Marcel.

Et les trois amis se serrèrent la main.