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un monde inconnu

ce qu’avaient pu réaliser de progrès l’art de la typographie, le dessin et la gravure, se réunissait pour placer sous les yeux de ceux qui feuilletaient ces vastes collections, les conquétes que le génie des sages avait réalisées à force de travail et de persévérance.

La simplicité des méthodes, la clarté des démonstrations, l’abondance des faits observés et la rigueur de l’esprit critique qui présidait à leurs classifications, rendaient accessible à tous les esprits la connaissance des problèmes qui sont chez nous le privilège de quelques intelligences d’élite. Et grâce à cette diffusion scientifique, ces êtres si bien doués sous le rapport de la compréhension et du raisonnement, se maintenaient à un niveau intellectuel que nous avons peine à concevoir.

Dans ce monde où tout était harmonieux et simple, l’organisation sociale était fixe et à l’abri de toutes les révolutions que suscitent sur la Terre les ambitions ou les fureurs des partis. On n’y connaissait rien non plus de ce que nous appelons les affaires. Aussi jouissait-on de l’inappréciable avantage de n’avoir pas de journaux ! Par suite, on ignorait ces polémiques ardentes où les intérêts privés déchaînés font table rase des intérêts publics, ces factums injurieux où, pour satisfaire des haines sauvages ou de basses rancunes, on vilipende les hommes les plus considérables, on exalte le vice ou la perlidie, on traîne sur la claie l’honnêteté et la vertu.

Rien de semblable non plus à ces scandaleuses entreprises où, sous prétexte de servir l’utilité générale, on trompe une multitude dont l’avidité égale la sottise, on spécule sur les plus mauvaises passions, on s’enrichit aux dépens d’autrui, et on donne le spectacle écœurant de fortunes colossales fondées sur l’agiotage et le jeu, sur la ruine d’une foule de misérables.

Pendant que Marcel et Jacques étudiaient ainsi, à des points de vue différents, le monde lunaire, et marchaient de surprise en surprise, lord Rodilan ne restait pas inactif. Son esprit philosophique avait été profondément frappé par la simplicité des mœurs et des institutions qui régissaient cette société d’un ordre supérieur. Son scepticisme, entretenu par les contradictions et les incohérences qui se rencon-