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lettres et arts

édifices avaient eu soin de laisser les spectateurs dans l’ombre et de projeter toute la lumière sur la scène où se mouvaient les personnages de ces drames héroïques ou lyriques. Ce qu’on avait sous les yeux c’était la vie dans toute sa réalité et dans toute son intensité.

Fidèles aux traditions du beau, qui se transmettaient sans s’altérer de génération en génération, les peintres et les sculpteurs s’inspiraient des sentiments les plus nobles et les purs. Rien n’y venait fausser leur jugement supérieur, le culte d’une forme épurée, le sentiment des beautés toujours nouvelles de la nature. Là jamais rien de mièvre ou de contourné, rien de prétentieux ou de factice, rien surtout qui pût abaisser les âmes, et, sous le faux dehors de la beauté plastique, faire naître le goût des vils instincts, des actes dégradants.

Les gymnases où, sous la direction de maîtres respectés, se formaient les disciples du grand art, ne retentissaient pas, comme chez nous, du bruit des querelles d’école ; on ne s’y disputait pas sur la forme ou la couleur ; on ne s’y jetait pas à la tête les noms d’impressionnistes, de symbolistes. On n’y connaissait qu’une seule forme de l’art, celle qui réunit dans une expression souveraine Ja splendeur de la forme à la noblesse de l’idée.

Grâce aux moyens tout à fait perfectionnés dont ils disposaient. les écrivains et les compositeurs n’étaient pas asservis à la nécessité de noter péniblement leurs pensées à l’aide de signes lents à tracer et où se perdent souvent les mouvements et la chaleur de l’inspiration.

Des appareils spéciaux saisissaient, au moment même où ils se produisaient, les mots sortis des lèvres du poète, les sons que le musicien lirait de l’instrument qui donnait à ses émotions une forme sensible. Et l’œuvre, à jamais fixée, apparaissait ainsi toute vibrante encore des impulsions de l’âme qui lui avaient donné naissance, dans la splendeur ou la grâce de sa spontanéité.

De riches bibliothèques remplies de tous les ouvrages remarquables laissés par les âges précédents, et des revues où s’enregistraient au jour le jour les conquêtes incessantes d’une science toujours en éveil, fournissaient à tous d’inépuisables trésors. Tout