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une ascension gigantesque

éléments indispensables à votre existence ; ils ont prévu le cas où les expériences tentées par notre ami Marcel ne vous fourniraient pas tous ceux qui vous sont nécessaires, et ils étudient la composition d’un aliment qui, sous un volume très réduit, pourra remplacer la nourriture animale à laquelle vous êtes accoutumés. »

L’Anglais fit la grimace et murmura à part lui :

« Tout cela est bel et bon, mais sent diablement la pharmacie. Enfin nous verrons. »

Il ne tarda pas à voir, en effet.

Quelques jours après cet entretien, Jacques, qui passait presque tout son temps avec les savants lunaires dans leurs laboratoires, revint tout triomphant et présenta à ses deux amis un flacon tout rempli d’une liqueur claire et transparente comme de l’eau pure.

« Qu’est cela, bon Dieu ! fit Marcel et qu’est-ce qui te rend si joyeux ?

— Mes amis, dit Jacques, nous voici maintenant assurés de ne jamais avoir à regretter les succulents repas dont le souvenir hante encore notre cher Rodilan.

— Quoi ! fit l’Anglais, prétendez-vous que votre mixture va remplacer efficacement les bœufs de Durham, les moutons du Yorkshire et les jambons de Westphalie dont le nom seul me fait venir l’eau à la bouche ?

— Parfaitement, mon très cher ; et d’abord ce que vous appelez en profane une mixture est le résultat d’une combinaison merveilleuse où se mélangent, dans des proportions scientifiquement déterminées, les éléments azotés que nous fournissait sur Terre la chair des animaux. Rien que dans ce petit flacon il y a de quoi nous nourrir tous les trois pendant plusieurs semaines. Et si nous faisions de cet aliment un usage exclusif, nous serions bientôt victimes d’une surabondance de vie et menacés de funestes congestions. Heureusement, les champs ensemencés par Marcel nous fourniront en quantité suffisante une nourriture rafraîchissante. L’élixir que j’ai l’honneur de vous présenter sera notre viande.

— Peuh ! fit l’Anglais, je savais bien que tout cela finirait par des drogues.