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un monde inconnu

pas détourné Jacques de la pensée de celle qu’il avait laissée sur la Terre ; il avait hâte de lui faire savoir qu’il était sorti vivant de cette redoutable entreprise. Il s’en entretenait souvent avec Marcel ; ses préoccupations n’avaient point échappé au sage Rugel qui, l’interrogeant affectueusement, n’avait pas eu de peine à pénétrer la cause de sa tristesse. Cet amour si noble et si pur, pour lequel Jacques n’avait pas craint de risquer sa vie, était un de ces sentiments que comprenait l’âme élevée de leur nouvel ami ; il l’avait encouragé avec bienveillance à ne point désespérer, et, à quelques paroles qu’il avait laissé échapper, Jacques avait cru comprendre qu’on s’inquiétait des moyens d’aviser les habitants de la Terre de l’arrivée à bon port des hardis voyageurs. Mais le temps lui paraissait long, et lui aussi attendait avec impatience.

Un jour Rugei apparut souriant :

« Je vous apporte, leur dit-il, une bonne nouvelle : nous allons dans quelques instants, si vous le voulez bien, visiter l’observatoire dont je vous ai déjà parlé. Le moment est propice ; la partie de la Lune qui regarde la Terre est maintenant dans l’ombre, et vous allez revoir votre patrie tout éclatante de lumière.

— Ah ! enfin, s’écria Marcel avec un éclat de joie et en serrant énergiquement la main que lui tendait Rugel.

— Merci, ami, dit Jacques, le visage rayonnant de bonheur.

All right ! fit lord Rodilan ; je vais donc revoir la joyeuse Angleterre. Quel dommage, ami Rugel, que nous ne puissions pas vider ensemble, en son honneur, la dernière bouteille de champagne qui nous resle !

— Videz-la, répliqua Rugel ; je serai avec vous de cœur, non seulement pour l’Angleterre, mais aussi pour la France, pour le monde tout entier que vous avez quitté. »

Bientôt le vin pétilla dans les verres ; on entendit retentir les cris de : « Vive la France ! vive l’Angleterre ! » Et Rugel contemplait d’un œil attendri cette joie qu’il semblait partager, et qui, malgré son impassible sérénité, touchait son cœur.

Pendant ce temps un aéroscaphe s’était avancé : c’était un véhicule à la fois élégant et solide.