Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/247

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catastrophe

— Eh bien, mais, dit lord Rodilan, pourquoi, s’ils ont fini par les apercevoir, n’ont-ils pas répondu sur-le-champ ?

— Peste ! comme vous y allez ! mon cher lord. Mais, en supposant qu’ils n’aient reconnu les signaux que dans les dernières nuits de leur apparition, il leur a fallu se préoccuper tout d’abord des moyens de répondre, examiner, discuter ce qu’il convenait de faire, et, une fois la chose arrêtée, en préparer l’exécution. À mon sens, ils n’ont guère pu penser à autre chose qu’à l’établissement de quelque signal lumineux. Or, aux Montagnes Rocheuses on est mal outillé pour de semblables entreprises. Il aura fallu se procurer au loin les appareils nécessaires, les disposer, les mettre en état de fonctionner, et tout cela a dû évidemment prendre beaucoup de temps. Ajoutez que peut-être, au moment où nos signaux sont arrivés, il n’y avait que des subalternes à l’observatoire ; il est du reste fort probable que Mathieu-Rollère, rappelé à Paris par ses fonctions et ses importants travaux, a quitté depuis longtemps l’Amérique.

— Oh ! dit Jacques avec un accent de tristesse, Hélène n’aurait pas dû lui permettre de s’éloigner.

— Mais, mon pauvre ami, tu ne te rends pas compte de la situation : tu sais que tu es vivant toi, mais ta fiancée l’ignore ; elle doit au contraire te croire à tout jamais perdu. Après sept mois quels arguments aurait-elle pu opposer à son père, si celui-ci avait jugé inutile une plus longue attente ? Je comprends ta fièvre et tes craintes ; je comprends aussi votre impatience, milord ; mais, en vérité, vous n’êtes pas raisonnables. Le plus sage est d’attendre. D’ailleurs, nous est-il possible de faire autrement ?

— C’est juste, fit lord Rodilan ; mais allons-nous donc attendre ainsi les bras croisés ?

— Jusqu’à la prochaine période d’ombre il n’y a rien de plus à faire. Mais aussitôt que la région où nous nous trouvons sera rentrée dans les ténèbres, nous dirigerons nos lunettes vers l’Amérique du Nord. Si nous n’aperceyons rien, nous recommencerons nos signaux, et, cette fois, j’en ai la conviction profonde, nous aurons une réponse, je ne sais laquelle, mais nous en aurons une.

— Eh bien, attendons, » dit Jacques avec un soupir.