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un monde inconnu

On se résigna donc, puisqu’il n’y avait pas autre chose à faire.

Mais la période de temps qui les séparait du moment si ardemment désiré fut peut-être la plus cruelle qu’ils eurent à passer depuis qu’ils avaient quitté le monde terrestre. Ils se sentaient près de rentrer en contact avec tout ce qu’ils avaient laissé derrière eux et ils se demandaient avec anxiété si leurs espérances allaient enfin être réalisées. La fièvre de l’attente avait gagné Marcel, lui aussi, malgré son empire sur lui-même, et lord Rodilan était dans une agitation qu’il ne se connaissait pas depuis longtemps.

Mais le plus troublé était Jacques, dont tout l’amour semblait se réveiller avec une ardeur nouvelle, maintenant qu’il se sentait plus près d’atteindre le but poursuivi.

Les trois amis allaient et venaient sans cesse ; incapables de se tenir en place, les nerfs toujours tendus, les yeux brillants, l’esprit hanté d’une idée fixe, ils erraient au hasard, mettant à chaque instant l’œil à l’oculaire des lunettes, comme si leurs regards pouvaient surprendre le secret de ce qui se préparait aux Montagnes Rocheuses. Leur agitation n’avait pas échappé à l’attention de ceux qui les entouraient : tous comprenaient l’impatience qui les dévorait, et par un commun accord on feignait de ne pas remarquer ce que leur façon d’agir avait d’étrange et d’insolite, surtout dans un milieu aussi tranquille et aussi complètement étranger aux troubles de l’esprit et aux désordres de la passion. On semblait au contraire les entourer de plus de soins. Une sympathie discrète les enveloppait ; Mérovar surtout s’empressait autour d’eux, s’efforçait de les distraire et de leur rendre moins pénibles les tortures de l’attente.

Cependant l’instant approchait où ils allaient pouvoir recommencer la tentative interrompue. Encore l’espace de deux jours et la nuit allait gagner la région où s’élevait l’observatoire. Marcel, Jacques et lord Rodilan décomptaient les minutes.

Comme s’il avait voulu hâter le moment de reprendre ses expériences, l’ingénieur était sans cesse occupé à visiter ses appareils de communication, à s’assurer de leur bon fonctionnement. Il les vérifiait pour la centième fois peut-être lorsqu’il lui sembla per-