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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/286

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un monde inconnu

térable confiance, voyait rapidement diminuer ses ressources personnelles. La souscription était ouverte depuis un mois, et on avait juste recueilli 1.967 fr. 50.

L’astronome n’y comprenait rien.

Comment pouvait-on rester insensible à la solution d’un pareil problème ? Il s’indignait de voir les gens aller et venir, courir à leurs plaisirs ou à leurs affaires, dépenser des sommes considérables en futilités, sans s’inquiéter de fournir à la science les moyens d’achever la plus magnifique conquête qu’ait pu rêver l’esprit humain, celle d’un monde.

Il ne tarda pas à tomber dans un état de profond abattement. Il avait perdu cette exubérance de vie et cette activité presque juvénile qui lui avaient fait jusque-là une si verte vieillesse ; il songeait avec mélancolie à toutes ses espérances déçues ; les craintes et les remords, dont il avait déjà entretenu l’honorable W. Burnett, lui revenaient à l’esprit et le torturaient.

Sa fille, qui depuis le départ de Jacques ne l’avait jamais quitté, avait gardé une âme plus ferme. L’amour qui remplissait son cœur semblait le fermer à tout sentiment autre que la foi et l’espérance. Quand elle vit le vieillard ainsi découragé, elle lui dit simplement :

« Pourquoi désespérer, mon père ? Si c’est une misérable question d’argent qui vous arrête, prenez la fortune que m’a laissée ma mère, et faites-en l’usage qu’il vous plaira. Je la sacrifie avec joie et je suis bien certaine que celui que j’aime, lorsque je le reverrai, — car je le reverrai, j’en suis sûre, — approuvera ma décision. Nous vivrons pauvres, s’il le faut, mais heureux d’avoir accompli une grande tâche,

— Enfant, dit Mathieu-Rollère tout ému, en attirant sa fille sur son cœur et en la baisant au front, tu es un noble cœur ; tu es la digne fille d’un savant et tu mérites le grand amour d’un honnête homme. Mais, ma chérie, qu’est-ce que les 70 ou 80.000 francs dont tu peux disposer ? C’est par centaines de mille francs, par millions peut-être, qu’il nous faut compter ; c’est ce que l’égoïsme et la cupidité d’un siècle voué aux plus vils intérêts nous refusent obstinément. Ah ! je me sens profondément atteint,