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un monde inconnu

De tous ses traits du reste légèrement fatigués se dégageait la même impression : le spleen avait passé par là.

Il était mis avec une extrême recherche, et l’on sentait en lui un homme du meilleur monde. Bien qu’il fût assis, on voyait que sa taille était haute, ses membres bien proportionnés ; sa main, longue et fine, qui jouait négligemment avec un monocle d’écaille, était tout à fait aristocratique. Rien en lui de commun ou de vulgaire : cet homme à coup sûr n’était pas le premier venu.

Marcel laissa tomber ses yeux sur la carte qui lui était tendue et lut :

LORD DOUGLAS RODILAN

« Que peut me vouloir cet insulaire ? » murmura-t-il.

Mais avec la courtoisie naturelle à un homme du monde, il se retourna vers l’étranger, le sourire aux lévres.

Celui-ci se leva et s’approcha des deux amis.

« Pardonnez-moi, monsieur, fit-il en s’inclinant vers Marcel et en adressant aussi un salut à Jacques, l’irrégularité de ma démarche, et puisqu’il ne se trouve ici personne qui puisse me servir d’intermédiaire, permettez-moi de me présenter moi-même. »

Et d’un ton de voix un peu solennel :

« Lord Douglas Rodilan, affligé de cinquante mille livres sterling de rente. »

Et comme à cette déclaration un peu brutale Marcel faisait un geste de hauteur, l’Anglais ajouta :

« Excusez-moi, monsieur, mais ce détail, auquel je n’attache pas plus d’importance que vous-même, aura tout à l’heure sa raison d’être, lorsque je vous aurai fait connaître le motif qui m’a fait désirer votre entretien.

— Parlez, milord, fit Marcel, mais souffrez tout d’abord que je vous présente mon ami intime, M. le docteur Jacques Deligny. »

Les deux hommes s’inclinèrent.