Aller au contenu

Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
285
en algérie

— Tout dégénère, murmura le vieux savant. C’est à Louis XIV aussi que nous devons l’Observatoire, et s’il n’existait pas aujourd’hui, Dieu sait si ceux qui nous gouvernent consentiraient à en faire les frais. J’avais pourtant bien compté sur Votre Majesté ; elle était mon dernier espoir et, si elle me manque, tout est perdu.

— Voyons, dit l’empereur, il y a peut-être moyen de s’entendre. Ne pourriez-vous apporter quelques modifications au plan déjà tracé, ajourner au moins quelques dépenses ? »

Une branche de salut s’offrait à l’astronome ; il s’y raccrocha désespérément.

« Assurément, dit-il. Notre collaborateur a prévu un chemin de fer Decauville allant de Biskra jusqu’à l’emplacement choisi, c’est-à-dire d’environ cinquante kilomètres. On peut y renoncer provisoirement et faire effectuer, à l’aide de chariots ou par tous les autres moyens dont dispose le pays, les transports nécessaires, et ce serait là une importante économie. On peut réduire aussi, je pense, les frais de personnel et d’habitation : car, en ce qui touche le réseau électrique, on n’y saurait rien retrancher. Je m’en entendrai avec Dumesnil.

— Eh bien ! faites, dit l’empereur. Je mets à votre disposition une somme de 1.500.000 francs ; c’est tout ce que je puis faire. Et, ajouta-t-il avec un sourire, je serai grondé pour cette nouvelle folie.

— Cela nous suffira, dit Mathieu-Rollère ; il faut que cela nous suffise. Que Votre Majesté soit bénie ! »

Dans les derniers jours du mois de janvier 188., les bords de l’Oued-Djeddi étaient devenus le théâtre d’une activité extraordinaire. Toutes les pièces nécessaires à l’installation projetée étaient amenées en chemin de fer jusqu’à Biskra, et chaque jour partaient de cette ville de longues files de chariots et de chameaux chargés de lourdes caisses ou d’objets divers dont les formes bizarres inquiétaient fort les naturels du pays. C’étaient dans cette région, d’habitude morne et désolée, une animation et une vie tout à fait insolites. Les grincements des roues, les hennissements des chevaux, les jurons des conducteurs troublaient le silence des solitudes.

Secondés par une vingtaine d’ouvriers électriciens venus de Paris et choisis avec soin, Mathieu-Rollère et l’ingénieur Dumesnil se