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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/309

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en algérie

Les sacrifices d’argent consentis par l’empereur du Brésil n’avaient pu, malgré la libéralité du prince, répondre à tout ce qu’avait rêvé Mathieu-Rollère. L’idéal eût été d’installer à proximité du réseau électrique un instrument semblable à celui qui, aux Montagnes Rocheuses, permettait d’observer notre satellite. Les communications auraient pu être ainsi rapides et ininterrompues. Mais il avait fallu y renoncer, et comme le télescope de Long’s Peak était le seul dans le monde entier capable de distinguer exactement les signaux envoyés à la Terre, le vieil astronome avait dû rester en relations avec lui. Un fil télégraphique le reliait à Biskra ; de là, par la voie ordinaire, il correspondait directement avec sir W. Burnett. Il avait été convenu qu’aussitôt qu’un nouveau signal apparaîtrait sur la Lune, Mathieu-Rollère en serait immédiatement informé. Comme les observateurs se relayaient sans relâche à l’oculaire du télescope, rien ne pouvait leur échapper et aucun retard dans la transmission n’était possible.

Tout étant ainsi préparé, Mathieu-Rollère voulut réserver à celui qu’il considérait comme son bienfaiteur l’honneur d’envoyer le premier message, et Dom Pedro avait accepté avec empressement cette marque flatteuse de distinction. On était arrivé au 20 avril ; la Lune allait entrer dans son premier quartier, et l’ombre enveloppait la région où se creuse l’Océan des Tempétes. Le ciel était dégagé de nuages, et, dans cette atmosphère limpide étincelaient des milliers d’étoiles au milieu desquelles brillait d’un vif éclat la partie de notre satellite qu’éclairait le soleil.

L’instant paraissait solennel : Mathieu-Rollère, l’ingenieur Dumesnil, le vieil empereur et tous les assistants se sentaient saisis d’une vive émotion.

Sur un signe du vieux savant, l’empereur, d’un geste rapide, abaissa la poignée qui devait enflammer les 10.000 foyers.

Brusquement tout s’illumina et la gerbe de lumière, que n’arrêtait plus, comme dans les essais précédents, la voûte des nuages, jaillit dans l’espace en y traçant aussi loin que l’œil pouvait la suivre un resplendissant sillon.

Pendant une heure brilla ce monstrueux fanal.

« Notre appel, disait Mathieu-Rollère tout joyeux, a été certaine-