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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/308

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un monde inconnu

rition sur le disque lunaire des lettres lumineuses indiquant l’arrivée des trois voyageurs.

Devant cette abondance de renseignements répandus partout à des milliers d’exemplaires, le doute n’était guère possible, et les noms de Marcel de Rouzé, de Jacques Deligny et de lord Rodilan devinrent bientôt célèbres.

C’est en Angleterre surtout que ce mouvement d’excitation prit le caractère le plus aigu.

Du jour où l’on avait su qu’un membre de l’aristocratie anglaise figurait parmi les audacieux explorateurs, le snobisme des habitants du Royaume-Uni s’en donna à cœur joie, et les colonnes du Times, qui reflètent toujours si exactement les sentiments de ses nombreux lecteurs, retentirent du nom du noble lord. On savait maintenant le rôle qu’il avait joué dans cette œuvre colossale, et l’on allait répétant que sans lui rien n’eût été possible, ce qui prouvait bien une fois de plus que l’Angleterre était toujours et partout la première nation du monde. Pour un peu on lui aurait attribué tout l’honneur de cette conception grandiose ; Jacques et Marcel auraient été réduits au rôle de modestes comparses.

À l’apathie et à l’indifférence contre lesquelles s’était heurté Mathieu-Rollère, avait succédé un incroyable engouement. Les savants qui jadis le traitaient de fou parlaient maintenant de lui avec une admiration émue. Tous voulaient avoir pressenti la grandeur de ses projets et l’y avoir encouragé. À chaque instant il recevait aux confins du désert les lettres les plus flatteuses, et, à l’heure où il n’en avait plus besoin, les offres les plus brillantes lui arrivaient de tous côtés.

Mais, tout entier à son œuvre, le vieux savant dédaignait ces retours de la renommée ; il prisait à leur juste valeur ces palinodies plus ou moins intéressées ; il s’était trop rudement heurté à l’égoisme et à l’ignorance des hommes pour pouvoir être touché des marques de sympathie tardive dont il était l’objet. Il attendait patiemment le moment où la nuit lunaire allait concorder avec la nuit terrestre, et il se promettait, aussitôt que les lettres lumineuses brilleraient de nouveau, de lancer à travers l’espace le premier message qui devait inaugurer les communications interstellaires.