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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/328

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un monde inconnu

La nouvelle de cet extrordinaire événement s’était répandue dans le monde entier. Tous les Instituts, toutes les Sociétés savantes en avaient été rapidement informés, et des discussions passionnées n’avaient pas tardé à jeter la perturbation dans les esprits. La foule, que séduit toujours le merveilleux, accueillait avec enthousiasme les récits les plus fantastiques que lui servait chaque jour l’imagination surexcitée des journalistes ; plus ils étaient incroyables, plus ils étaient acceptés avec ferveur. L’opinion publique, surchauffée, accusait déjà les gouvernements d’inertie et d’indifférence : on devait en toute hâte fondre des canons monstres pour fournir à de nouveaux voyageurs l’occasion de renouveler l’expérience, construire des télescopes gigantesques égaux ou supérieurs en puissance à celui de Long’s Peak.

L’amour-propre national s’en mêlait.

Pourquoi laisser aux États-Unis le monopole des correspondances avec la Lune ? Chaque nation n’avait-elle pas le devoir de faire tous ses efforts pour arriver bonne première dans cette course vers la conquête de grandes vérités scientifiques ?

En France, les exigences étaient impérieuses.

L’œuvre, en somme, n’était-elle pas surtout française ?

Des trois voyageurs, l’un d’eux sans doute était Anglais ; mais on savait maintenant que lord Rodilan n’était pas un savant, ce n’était qu’un blasé curieux d’émotions nouvelles, et son rôle en tout cela était des plus effacés.

Et puis, Mathieu-Rollère était lui aussi un Français, et c’était lui dont l’indomptable tenacité avait, en dépit de la routine, accompli de si grandes choses. N’était-il pas juste qu’après avoir été abreuvé de tant de dédains et de tant d’amertumes, il demeurât chargé de continuer et d’achever l’œuvre qu’il avait commencée ? Il avait été à la peine, il devait être à l’honneur.