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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/346

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un monde inconnu

lères, chaîne de montagnes dont l’élévation moyenne atteint près de 4.000 métres. Il ne fallait pas songer à aborder de front cette formidable muraille de granit. Heureusement, les Diémides qui formaient l’avant-garde connaissaient parfaitement cette région pour l’avoir souvent parcourue. Ils savaient que, dans le voisinage de l’extrémité méridionale du cratère de Trouvelot, la chaîne s’abaissait, et qu’il existait entre ces deux masses montagneuses un passage étroit, mais facilement praticable.

On s’y engagea donc avec confiance.

Au sortir de ce défilé et le cirque une fois contourné, on se trouva près de la limite au delà de laquelle n’ont jamais pénétré des regards humains.

Cette longue marche de quatorze jours, exécutée dans les ténèbres — car, malgré la puissance de leurs lampes électriques, ils avaient traversé toutes ces régions à peu près sans les voir, — n’avait en rien épuisé l’ardeur de Marcel et de ses compagnons. À chacun des pas qui les rapprochaient du but de ce voyage merveilleux, en même temps que grandissait leur impatience, leurs forces semblaient s’accroître.

Lorqu’ils franchirent le méridien qui limite éternellement le disque visible du satellite, ils se sentirent pénétrés d’une vive émotion.

Ils savaient bien que le spectacle qui les attendait sur l’autre hémisphère était sensiblement le même que celui auquel leurs regards étaient depuis longtemps accoutumés ; mais ils accomplissaient ce que nul être humain n’aurait jamais cru possible et que personne, jamais sans doute, n’accomplirait après eux.

Déjà on approchait du moment où le jour allait brusquement succéder à la nuit.

En l’absence de toute atmosphère où puissent se réfracter les rayons lumineux, il n’y a à la surface de la Lune ni crépuscule ni aurore. Au lieu de ces teintes douces et graduées qui rendent si poétique sur la Terre la transition de la nuit au jour, l’invasion de la lumière est en quelque sorte brutale ; le soleil jaillit tout à coup, éclairant tout d’une lumière égale.

Rugel, jaloux comme un artiste habile de ménager ses effets,