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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/352

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un monde inconnu

La grandeur de cette scène ne pouvait laisser insensibles Marcel et ses deux compagnons. Ce qu’ils avaient sous les yeux c’était le tableau saisissant de la destruction d’un monde. Voilà donc à quoi aboutissait ce jeu formidable des forces de la nature qui, après avoir créé un globe habitable, y avoir développé et entretenu la vie pendant de longs siècles, mettait à détruire son œuvre un irrésistible acharnement. Qu’étaient, en présence de cette évolution fatale, les plus magnifiques découvertes du génie humain, les aspirations les plus hautes, toujours en éveil, toujours inassouvies vers lesquelles tendait sa nature mortelle ? Tout avec le temps se dissolvait, s’évanouissait ; et, éteints tour à tour, les mondes qui roulaient dans l’espace autour d’un centre de lumière et de vie étaient irrévocablement destinés à n’être plus qu’une manière inerte et stérile.

Et la destruction ne devait pas s’arrêter là.

Ces cadavres flottant dans le vide devaient, dans un temps donné, se désagréger à leur tour, retourner à l’état de poussière cosmique pour former d’autres mondes qui finiraient de même dans un éternel recommencement.

Un signe de Rugel les arracha à ces graves pensées. Ils pénétrèrent dans les ruines de la ville morte et les parcoururent avec un respect attendri. Ils revirent la trace des édifices où siégeaient les hommes chargés de donner des lois à la cité, les places où s’assemblait la foule, et partout dans ces lieux on avait vécu, c’est-à-dire aimé et souffert. De tout cela il ne restait plus que l’ombre d’un souvenir.

Rugel les arrêta devant une ruine dont la forme rappelait celle des mausolées, mais de proportions considérables.

« Voilà, dit-il, le tombeau destiné à perpétuer la mémoire d’un homme que ses vertus et ses grandes actions rendirent digne de la reconnaissance publique. Le temps n’a pas plus respecté cet asile de la mort que les monuments où s’agitait la vie. »

Le sépulcre effondré laissait apercevoir à l’intérieur comme une fine poussière, tout ce qui restait peut-être de celui qui avait eu là sa dernière demeure.

Marcel s’étonna de ces vastes proportions.