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un monde inconnu

Paris. Le jeune savant aurait été complètement heureux entre une épouse qu’il chérissait et la science à laquelle il avait voué sa vie si le ciel eût béni son union. Pendant de longues années il désespéra d’être père, et il semblait résigné à cette souffrance lorsqu’il lui naquit une fille, à laquelle il donna le nom d’Hélène. Mais ce bonheur fut chèrement payé : la naissance de l’enfant avait coûté la vie à la mère.

Cette mort inattendue jeta le savant dans un grand désespoir. Pour faire diversion à son chagrin, il se plongea plus résolument encore dans la science, qui seule pouvait lui faire oublier celle qu’il avait perdue. Hélène grandit ainsi aux côtés d’un père qui, tout entier à ses travaux scientifiques, ne songeait guère à elle et semblait ne plus se rappeler combien il avait ardemment désiré la venue d’un enfant. Bien que sa vieille bonne, la brave Catherine, eût reporté sur elle l’affection qu’elle avait pour la défunte, la vie de cette enfant privée de la tendresse maternelle, dont les journées s’écoulaient entre un savant perdu dans ses livres et une vieille servante, était assez triste. Elle ne sortait que rarement et ne se mêlait jamais aux jeux des enfants de son âge.

Elle avait déjà huit ans lorsque la venue d’un jeune compagnon vint modifier profondément sa vie.

L’astronome avait une sœur mariée avec un officier de marine qu’elle aimait profondément. Un brillant avenir s’ouvrait devant le lieutenant de vaisseau Deligny, lorsque, au cours d’une campagne dans l’Extréme-Orient, la mort l’avait soudainement ravi à la tendresse de sa femme. Celle-ci l’avait suivi de près dans la tombe, et Jacques, leur fils unique, alors âgé de quatorze ans, était resté orphelin. Son oncle, que la loi désignait pour son tuteur, avait pris chez lui le jeune homme, qui achevait alors ses études au lycée Louis-le-Grand.

Dès lors la vie avait changé pour la jeune Hélène : une étroite affection n’avait pas tardé à unir les deux enfants. Ce sentiment, grandissant avec l’âge, était devenu un amour sérieux que rien ne semblait devoir contrarier. Le vieux savant paraissait ne s’intéresser qu’aux choses du ciel ; il ne semblait pas qu’il dût