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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/53

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mathieu-rollère

angoisse, vous n’y songez pas ! Consentir à ce que Jacques s’engage dans cette aventure insensée, c’est le vouer à une mort certaine, c’est me condamner moi-même : car, bien sûr, je ne lui survivrai pas.

— Ta ! ta ! ta ! fit le vieux savant, voilà bien les petites filles, ignorantes et timides. Si on les écoutait, on ne tenterait jamais rien et la science resterait immobile. Mais, aveugle que tu es, ce voyage qui te cause tant de craintes, on l’a déjà fait et on en est revenu. Il s’agit aujourd’hui de le recommencer dans des conditions d’absolue sécurité. On t’a dit que là-haut, sur notre satellite, il y a des gens qui nous attendent, qui brûlent d’entrer en communication avec nous. Rien ne sera plus facile à ceux qui auront atteint la Lune que d’en revenir. »

Hélène ne partageait pas l’enthousiaste conviction de son père et, pendant les jours qui suivirent, elle usa de tout son ascendant sur Jacques pour le faire revenir sur sa terrible résolution. Mais ses efforts restèrent inutiles : Jacques s’était peu à peu grisé à la pensée de ce voyage dans l’immensité. L’ardente foi de Marcel dans le succès final l’avait gagné lui-même ; il ne voyait pas d’ailleurs à sa portée d’autres moyens d’obtenir la main de celle qu’il aimait.

Son amour le rendit éloquent, persuasif, et, s’il ne parvint pas à faire partager sa confiance à la jeune fille, il obtint d’elle qu’elle cessât de s’opposer à son projet. Mais elle voulut au moins rester jusqu’au dernier moment près de celui qu’elle aimait et le suivre des yeux dans sa périlleuse entreprise.

« Je vois bien, dit-elle un jour à son père, que tout ce que je pourrais tenter pour vous détourner, Jacques d’entreprendre ce voyage, toi de l’approuver, resterait inutile. Il faut donc que je m’y résigne. Mais pourquoi ne l’accompagnerions-nous pas en Amérique ? Et puisqu’il existe dans les Montagnes Rocheuses un télescope qui permet de suivre le projectile dans son trajet, pourquoi ne nous rendrions-nous pas dans cette contrée, afin de rester, autant que possible, en communication avec celui qui nous est si cher ?

— Tu as raison, s’écria l’astronome ; voilà une excellente