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un monde inconnu

« Ah ! mon oncle, s’écria Jacques en sautant à son cou, que je suis heureux de vous voir ! Vous allez être content de moi. Mais où donc est ma cousine ? Je veux l’embrasser aussi.

— Doucement, doucement, fit l’astronome, que l’accolade du jeune homme avait failli renverser. Tu pars comme un fou, tu restes huit mois sans donner de tes nouvelles et tu tombes ici comme un aérolithe. Que signifie tout cela ?

— Je vous expliquerai tout dans quelques instants. Et d’abord, fit-il, en retirant à son oncle encore ahuri sa canne et son chapeau, l’Observatoire vous donne congé pour aujourd’hui ; vous allez pour une fois être tout à nous. »

Cependant Hélène, surmontant son émotion, était descendue et entrait dans la salle… Ses joues maintenant étaient couvertes d’une vive rougeur, ses yeux avaient retrouvé un éclat qu’on ne leur connaissait plus depuis longtemps. Elle tendit son front à Jacques et, pendant qu’il y déposait un baiser brûlant : « Méchant, murmura-t-elle, comme vous m’avez fait souffrir. »

Lorsque le déjeuner fut achevé et pendant qu’il savourait son café, Jacques raconta à son oncle et à sa cousine tout ce qu’il avait fait depuis qu’il les avait quittés.

La jeune fille écoutait avidement ce récit où elle sentait palpiter tout l’amour dont le cœur de Jacques était rempli. Le vieillard n’y prétait qu’une oreille distraite. Mais lorsque le narrateur arriva à sa rencontre avec Marcel de Rouzé, aux derniers événements qui avaient rempli sa vie, à l’audacieux voyage enfin qu’il était décidé à tenter, l’œil de l’astronome s’anima, son attention devint soutenue, un vieux reste de sang afflua à ses joues : il était gagné par l’enthousiasme de son neveu. À la fin sa joie déborda.

« Bravo ! mon cher enfant, cria-t-il. Voilà en effet une grande et noble entreprise, qui va faire sécher d’envie et de jalousie tous les astronomes de l’Europe, et fournir à la science une mine inépuisable de riches documents, de découvertes dont on ne peut encore pressentir la portée.

— Mais, mon père, interrompit Hélène, dont la joie semblait tout à coup tombée, et qui se sentait prise d’une inexprimable