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au fond du gouffre

caoutchouc : l’air extérieur va pénétrer peu à peu dans l’obus par le trou que fermait le boulon, et d’ici à quelques instants la substitution sera complète. Rien ne nous empêche en attendant d’essayer, à l’aide de notre lampe électrique, de reconnaître l’endroit où nous nous trouvons.

Le faisceau lumineux fut en effet promené à travers les hublots dans diverses directions. Du côté où ils avaient tout d’abord reconnu la surface du liquide sur lequel flottait le projectile, ils ne distinguaient rien : le rayon lumineux se perdait au loin dans d’insondables ténèbres. Mais, du côté opposé, la lumière renvoyée par le réflecteur alla rencontrer une paroi qui paraissait de couleur noirâtre, d’aspect rocailleux, dont la hauteur ne put être évaluée et qui ne semblait pas située à plus de cinq encâblures. Sa base sortait d’une grève sur laquelle venaient mourir les ondes de ce lac ou de cette mer souterraine.

Cependant l’air extérieur pénétrait peu à peu dans l’obus, et les trois voyageurs se sentaient vivifiés par cette atmosphère riche en oxygène et qu’ils respiraient avec délices. Jacques avait craint un instant, au moment où Marcel avait fait connaître le résultat de son analyse, que cet air où abondait l’élément comburant ne surexcitât outre mesure l’activité des phénomènes vitaux et que leur organisme ne pût que difficilement s’y accoutumer. La précaution qu’ils avaient prise de ménager ainsi l’entrée de l’air du dehors le rassura bientôt. Un peu d’excitation cérébrale, une respiration un peu plus active et un peu plus rapide, tels furent les seuls phénomènes physiologiques qu’il constata sur lui et sur ses deux compagnons dont son doigt expérimenté avait interrogé le pouls.

« Nous pouvons nous rassurer, fit-il. L’excitation que nous ressentons en ce moment et qui provient d’un passage un peu brusque de notre atmosphère ordinaire à un air plus oxygéné n’a rien qui puisse nous inquiéter et ne durera pas.

« Nous sommes tous les trois sains et vigoureux, nos organes auront bientôt fait de s’adapter au milieu ambiant. Nous y trouverons même, j’en suis sûr, un surcroît de vitalité qui augmentera nos forces, et notre cerveau y puisera une puissance intellectuelle que nous ne soupçonnons pas. »