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un monde inconnu

« Tout cela est fort rassurant, dit Marcel ; il faut maintenant savoir quelle est la nature du liquide sur lequel nous flottons. »

Aussitôt Jacques plongea à l’extérieur un gobelet d’étain et le ramena plein d’un liquide transparent et incolore. Marcel l’examina attentivement, en versa quelques gouttes dans le creux de sa main, et y trempa ses lèvres.

« C’est de l’eau, fit-il, mais avec un goût légèrement salin. — Nous voilà tout au moins assurés de ne pas mourir de soif. »

Il s’agissait maintenant de gagner la grève, et cela paraissait d’autant plus urgent que Marcel avait cru remarquer depuis quelques instants que l’obus semblait s’en éloigner par un mouvement à peine sensible. Il le fit observer à ses compagnons.

« Il est probable, leur dit-il, que ce lac se déverse dans quelque bassin inférieur, et le courant tend à nous entraîner Dieu sait où. Il nous importe donc d’aborder sans perdre de temps. »

Comme ils s’étaient attendus à tomber sur la surface de la Lune et à avoir à cheminer sur un sol très tourmenté, ils s’étaient prudemment munis de longs et solides bâtons ferrés. Deux de ces bâtons furent liés bout à bout et fortements assujettis.

« À vous, mon cher lord, dit alors Marcel, à vous, l’un des plus glorieux champions d’Oxford, l’honneur de diriger sur ce lac lunaire la première embarcation terrestre qui s’y soit certes jamais hasardée.

Alright ! répondit l’Anglais ; il est bien fâcheux que quelque champion de Cambridge ne soit pas ici pour être témoin de cette navigation sous-lunaire et crever de jalousie.

— On ne peut pas tout avoir, » murmura philosophiquement Jacques.

Défaisant alors son habit et relevant les manches de sa chemise, lord Rodilan mit à nu ses bras musculeux ; puis, saisissant la perche formée des deux bâtons ferrés, il la passa par le hublot opposé à la rive et qui s’élevait de deux pieds environ au-dessus de la surface de l’eau. Elle atteignit le fond. S’arc-boutant alors vigoureusement sur l’extrémité de la perche, il donna une énergique impulsion, et la lourde machine commença à se déplacer et à se rapprocher d’une facon sensible du rivage. Il était évident que le lac souterrain dans lequel avait eu lieu la chute, remplissait une dépression d’une pro-