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au fond du gouffre

fondeur considérable, assez semblable au cratère d’un volcan. L’obus devait être tombé vers le centre ; puis, remonté à la surface, il avait été saisi par le courant qui, en raison des sinuosités du rivage, semblait tantôt l’en rapprocher, tantôt l’en éloigner.

Marcel et Jacques se tenaient à l’autre hublot, éclairant au moyen de leurs lampes électriques la direction à suivre. Comme l’obus, de forme absolument cylindrique, ne pouvait avancer rigoureusement en ligne droite, ils indiquaient à lord Rodilan le sens dans lequel il devait pousser cet incommode esquif.

L’Anglais travaillait avec ardeur. Ses membres robustes n’avaient rien perdu de leur souplesse et de leur élasticité, et sa force se trouvait décuplée dans ce milieu où la pesanteur avait diminué d’une façon si remarquable. Aussi, malgré la difficulté d’un tel travail, une heure s’était à peine écoulée que l’obus venait échouer sur le fond insensiblement relevé et s’arrêtait à environ 50 mètres de la grève.

« Ah ! fit lord Rodilan en étirant ses bras, cette petite gymnastique m’a fait du bien, »

Et, s’approchant du hublot qui regardait le rivage, il ajouta en riant :

« Bon ! voilà qu’il nous va falloir maintenant prendre un bain. Après un violent exercice cela est tout à fait hygiénique. »

L’obus en effet plongeait d’environ quatre pieds dans l’eau et il fallait franchir à gué la distance qui séparait les voyageurs de la terre ferme.

Détachant alors l’échelle de fer mobile qui leur servait à atteindre ceux de leurs bagages qui étaient arrimés dans la partie supérieure du projectile, ils la passèrent par le hublot et la plongérent dans l’eau, où son poids la maintint immobile. Les trois amis avaient rapidement passé par-dessus leurs habits un vêtement de caoutchouc absolument imperméable et qui les enveloppait de la tête aux pieds. Ainsi équipés, ils franchirent en quelques bonds la distance qui les séparait de la rive.

En posant le pied sur le sabie fin qui formait le sol de la caverne et que n’avait jamais foulé jusqu’ici aucune créature terrestre, Marcel eut un moment d’exaltation et de triomphe.

« Victoire ! amis, s’écria-t-il ; nous voici au sein de ce monde