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un monde inconnu

pour que les trois voyageurs pussent s’avancer de front. Après avoir reconnu la direction de cette galerie, Marcel s’arrêta :

« Nous ne pouvons, dit-il, nous engager plus avant sans nous être munis de vivres et de tout ce qui est nécessaire pour une exploration peut-être longue et pénible.

— En avons-nous donc pour longtemps, reprit lord Rodilan, à nous débattre dans cette obscurité ?

— Ma foi, mon cher ami, il m’est impossible d’apprécier exactement la profondeur à laquelle nous nous trouvons, mais elle est certainement de plusieurs kilomètres. Rien ne prouve en outre que cette galerie conserve toujours la même pente, et Dieu sait, du reste, contre quels obstacles nous pouvons avoir à lutter. Il faut donc compter sur quelques jours, peut-être plus, d’une route accidentée et pénible.

— Allons au plus pressé, cria Jacques ; nous verrons ce que nous garde l’avenir. »

On revint done à l’obus, mais les émotions par lesquelles avaient passé les trois compagnons depuis qu’ils s’étaient réveillés de leur profond évanouissement et les fatigues d’une telle exploration avaient brisé leurs forces. Tant qu’ils avaient été animés par le sentiment d’une si étrange situation et par la crainte de rester à jamais ensevelis dans ces sombres abîmes, une surexcitation nerveuse les avait soutenus. Maintenant qu’un rayon d’espoir brillait à leurs yeux et que Marcel avait fait passer dans l’âme de ses amis l’ardente conviction dont il était rempli, la nature réclamait impérieusement ses droits.

Jacques, en sa qualité de médecin, l’avait constaté le premier.

« Amis, dit-il, avant de repartir pour l’inconnu, il nous faut faire provision de forces ; mon avis est donc de demander à un sommeil réparateur toute l’énergie dont nous aurons besoin.

— Tu parles comme un sage, répondit Marcel ; aussi bien, maintenant que j’y songe, je me sens tout moulu.

— Parfait, ajouta lord Rodilan, dormons ! Nous n’avons pas à craindre les importuns, et, à notre réveil, nous nous préparerons, par un solide repas, à présenter aux habitants de la Lune trois gentlemen corrects et bien vivants. »