Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/273

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Toutefois, après ces philosophes de l’école, il n’est pas sans intérêt d’entendre le janséniste Nicole dans ses réflexions sur ce Traité : « trouver plus de vérité dans ces plaintes du commun « des hommes que dans ces discours des philosophes, » puis arriver à dire « qu’il n’y a que la religion chrétienne qui nous « puisse véritablement consoler des bornes étroites de notre vie… » « Notre vie, ajoute-t-il un peu plus loin, ne suffit presque pour aucun exercice, pour aucun art, pour aucune profession. On ne vit pas assez long-temps pour devenir bon peintre, bon architecte, bon médecin, bon jurisconsulte, bon philosophe ; bon capitaine, bon prince ; mais elle suffit pour être bon chrétien. »

4. Elle suffirait. Selon Juste-Lipse et ceux qui l’ont copié, cette pensée se retrouve dans Hérodote (liv. vii, ch. 16). Cette citation est fausse. Il est vrai qu’Artabane y tient, sur la fragilité de la vie, un discours qui a beaucoup de rapport avec d’autres passages du présent Traité : « Nous éprouvons, dit Artabane, dans le cours de notre vie, des choses plus déplorables ; car, malgré sa brièveté, il n’y a point d’homme si heureux… à qui il ne vienne dans l’esprit, je ne dis pas une fois, mais souvent, de préférer la mort à la vie. Les malheurs qui surviennent, les maladies qui nous troublent, font paraître la vie bien longue, quelque courte qu’elle soit. Dans une existence si malheureuse, l’homme soupire après la mort, et la regarde comme un port assuré. En assaisonnant notre vie de quelques plaisirs, le dieu fit bien voir sa jalousie. »

Ici Rousseau offre une imitation frappante de ce début de Sénèque, qu’il n’a jamais cité en le copiant très-souvent. « Les hommes disent que la vie est courte, et je vois qu’ils s’efforcent de la rendre telle. Ne sachant pas l’employer, ils se plaignent de la rapidité du « temps, et je vois qu’il coule trop lentement à leur gré. » (Émile.)

II. 5. Et leur incertitude. Voyez au chapitre Ier du traité de la Tranquillité de l’âme, la description de cet état de faiblesse et de fluctuation de l’homme, qu’un poète français a assez bien décrit :

La volonté qui court où le désir l’appelle
Croit avoir du repos dans le bien désiré.
Aussi toujours errante et toujours vagabonde